"Proposition" de loi Rouquet
Nous recevons un nouveau billet d'Hérodote. Il est un peu caustique mais mérite la lecture.
Notre Député Maire s'est encore illustré par ses propos dans le journal "20 minutes" (dépêche en date du 21 février 2006). A propos du logement social, il y fait une proposition législative qui m'inspire quelques commentaires.
Rendant à César ce qui est à César, je cite in extenso le texte de cette proposition: "Les élus franciliens des communes de plus de 1 500 habitants ne respectant pas le seuil des 20 % devraient devenir inéligibles au nom du devoir républicain d'offrir un toit à tous."
Je glisserai sur le fait que notre Député Maire ne s'intéresse qu'aux
élus franciliens, en ignorant que le problème du logement social se pose aussi
dans beaucoup d'agglomérations en province. Cela doit venir d'un
parisianisme que je ne soupçonnais pas.
J'en viens au fond. Voici donc la sanction: les élus n'ayant pas respecté pas les 20 % de logements sociaux "virés" en fin de mandat. Mais quels élus ? Tous, même ceux de l'opposition ? Tous, même ceux qui auraient tout fait pour obtenir la construction de logements sociaux, mais qui, en un mandat de 6 ans, n'y seraient pas parvenus, en raison de problèmes fonciers à résoudre, de la lourdeur administrative de l'obtention des permis, de recours de tiers ou des délais au Tribunal Administratif ? Et si cela advenait dans notre bonne ville d'Alfortville, même l'élu du CCSA qui ne ménage pourtant pas ses efforts pour réclamer des logements sociaux ?
Et bien oui, tous. Selon cette proposition, "les têtes doivent tomber" (cela me rappelle quelque chose). Au moment où la crise des vocations pour être édile municipal tend à rejoindre celle des prêtres diocésains, voilà le nettoyage par le vide (je n'ose pas dire "au Karcher"...).
Et qu'adviendrait-il d'un Maire qui, à la suite du désengagement
d'un bailleur social, dans lequel il n'est pour rien, se verrait
ramener sous le seuil des 20 % ? L'affaire d'ICADE, filiale de la
Caisse des Dépôts, qui vend ses logements partout en région parisienne,
devrait
quand même interpeller notre Député Maire. Il peut se renseigner auprès
de ses amis au sein du parti socialiste, les Maires de Fresnes et de
Fontenay-aux-Roses. Le journal 20 Minutes (qu'il connaît bien pour y
voir ses propos mentionnés deux fois en moins d'un mois), dans son
édition du vendredi 10 mars 2006, en page 4, indiquait bien que ces
deux Maires s'approchaient du fameux seuil suite au désengagement
d'ICADE.
Votre proposition, Monsieur le Député Maire, est symptomatique de cette mauvaise habitude française: la production
législative inflationniste. Le Conseil d'État vient de la dénoncer dans
son rapport paru le 15 mars 2006.
Le législateur français souffre de deux maux profonds.
Tout d'abord, il légifère pour pallier aux conséquences d'un état de fait, en se gardant bien de s'attaquer à la cause. C'est moins douloureux politiquement de trouver des boucs émissaires que de s'interroger sur le fonctionnement même de la société.
Ensuite, et cela est en lien étroit avec le premier mal, il tente de sauvegarder le plus souvent des situations, au nom des droits acquis, quitte à hypothéquer l'avenir. Cela est aussi moins douloureux politiquement vis-à-vis des électeurs présents, mais compromet gravement l'avenir de leurs enfants. Les exemples abondent, chacun les a en tête.
Le Conseil d'État l'indique bien dans son rapport, à propos de toute nouvelle loi : " Il incombe de peser minutieusement les avantages et les inconvénients de la réforme fiscale".
Monsieur le Député Maire, avant de faire votre proposition qui ne résoudrait rien, posez-vous les bonnes questions. Qu'est-ce qu'un logement social ? Et à qui est-il destiné, selon quels critères d'attribution ? Sans doute y trouveriez-vous un début de solution.
Hérodote